Rencontre avec Magdalena, Responsable administrative  chez Comarch

Magdalena a rejoint Comarch il y a 5 ans en tant que Responsable administrative au sein de la branche française basée à Lille. Elle pratique l’alpinisme en haute altitude sur son temps libre.

Comment ta passion pour la grimpe est-elle née ? Pourquoi les montagnes ?

Pour être honnête, je ne suis pas tout à fait sûre. Au lycée, j’allais souvent faire de la randonnée dans les montagnes, et un jour vers la fin de mes études supérieures, je me suis intéressée à l’Himalaya. Je me suis renseignée sur le sujet, j’étais fasciné par l’histoire de l’alpinisme dans l’Himalaya. Et puis j’ai vu le film « Blindsight ». Il m’a tellement fasciné que je voulais le voir de mes propres yeux.

Comment te sens-tu quand tu es seule, avec rien d’autre que les montagnes ?

Paisible, par-dessus tout. Ça peut paraitre difficile à croire, mais lors de ces expéditions, qui sont difficiles et éprouvantes, je me repose réellement. Faire du trek dans les montagnes de l’Himalaya pendant un mois a été la meilleure chose que j’ai pu faire pour moi. D’un côté, cela m’a permis de dépasser mes limites ; de l’autre, cela m’a permis de prendre du temps pour moi, seule, pour réfléchir. Je pense énormément lorsque je suis dans les montagnes, et je reviens toujours très apaisée de ces expéditions. C’est comme un spa pour le cerveau.

Est-ce que l’alpinisme t’a influencé dans un sens particulier ?

Cela m’a permis de confirmer ce que je savais avant : lorsque je focalise mon esprit sur quelque chose, je peux réellement être résistante et foncer. Plus d’une fois, sur une portion vraiment complexe techniquement, j’ai fondu en larmes, pensant que je ne pourrais pas le faire. Parfois, à 5000m au-dessus du niveau de la mer, avec 8 heures d’ascension à venir, tu sais que tu dois continuer, ou tu risques de devoir dormir dehors, sans tente, à des températures bien inférieure à 0°. Et là, quelque chose se brise en toi. Tu dois t’asseoir parce que ton corps entier te fait souffrir, parce qu’il fait tellement froid que tu ne peux même pas avaler ta propre salive, parce qu’il y a tellement peu d’oxygène que tu suffoques. Tu as atteint ton point de rupture physique et mental. Mais tu as déjà pris ta décision et tu continues d’avancer difficilement à travers le glacier car il n’y a pas d’alternative. Tu sais que tu ne peux pas juste faire demi-tour et t’échapper. C’est incroyable, mais tu peux vraiment trouver la force et le courage en toi, même lorsque tout semble perdu.

Qui est ton modèle ? Qui te motive ?

Tout a commencé avec Kinga Baranowska et son ascension spectaculaire du Kanchenjunga. Dhaulagiri, Manaslu et Annapurna, que je suis pratiquement en temps réel. L’année dernière, j’ai eu un vrai élan de motivation après une rencontre avec l’alpiniste Franco-Suisse Sophie Lavaud, qui a notamment gravi l’Everest. Elle a eu une carrière dans un tout autre domaine auparavant, et désormais, à 50 ans, elle pratique l’alpinisme avec énormément de style. Elle a dédié son corps et son âme à sa passion. Quand je la vois, j’ai l’impression qu’il me reste encore tout à accomplir. J’admire également beaucoup Wojtek Kurtyka pour sa force, sa discipline et son talent. Enfin, Adam Bielecki, que j’ai eu le plaisir de rencontrer, pour le package complet.

As-tu déjà vécu une situation dangereuse au cours d’une de tes ascensions, quelque chose qui restera dans ta mémoire à tout jamais ?

J’ai vécu une situation dangereuse en redescendant du Mont Elbrus, le plus haut sommet de Russie (5642m). Nous montions et descendons du sommet en groupe, à des moments différents. Le temps était mauvais, le vent était violent, et la tempête de neige le rendait plus froid qu’il ne l’était réellement. Nous n’avions aucune visibilité. Nous avons dû vite nous mettre en route, car à chaque heure supplémentaire passée au sommet, le risque augmentait. J’étais dans le premier groupe à entamer la descente. Sur une transverse, à plus de 5000 mètres d’altitudes, les gars se sont sentis malades, se sont assis dans la neige, sirotant de l’eau gelée, disant qu’ils n’iraient pas plus loin. Nous étions dans l’ombre, transpercés par le froid, et ils étaient trop fatigués pour se lever et continuer. Comme je m’étais acclimatée plus tard, je commençais déjà à me sentir mieux, alors qu’ils perdaient de l’énergie. Alors j’ai commencé à leur dire de descendre, de continuer, d’avancer au moins en direction du soleil ou qu’ils finiraient gelés. Et on a réussi à passer la transverse. Je me suis assise pour rester proche de Pastukhov Rocks, et alors que j’attendais le reste du groupe, j’ai commencé à m’assoupir. Un instant plus tard, alors que j’ouvrais mes yeux, j’ai aperçu un blizzard qui venait droit sur nous. J’ai récupéré mes affaires, j’ai dit aux gars qu’ils pouvaient creuser un abri dans la neige et attendre pour se reposer s’ils le voulaient, mais que moi je descendais. Malheureusement, la visibilité était faible et j’ai rapidement perdu de l’allure. Après approximativement une heure et demi, j’ai réalisé que j’aurais déjà dû avoir atteint le refuge. Mais je ne l’apercevais même pas. J’ai même cru que j’étais descendu trop bas et que je l’avais manqué. C’est là que j’ai réalisé qu’il y avait des crevasses et que je ne pouvais même pas les voir. J’étais tétanisé sur place, à moitié recouverte de neige. J’avais peur de tomber dans l’une de ces crevasses. Pour finir, je me suis mise à quatre pattes (je ne sais pas pourquoi, je me sentais plus en sécurité comme ça), et j’ai réussi à établir un contact vocal avec d’autres alpinistes qui passait juste à ce moment-là. On ne pouvait pas se voir, à cause des conditions terribles de visibilité. Leur présence m’a permis de reprendre un peu mes esprits et d’atteindre le refuge. Quelques semaines plus tard, j’ai lu un article à propos d’une alpiniste russe expérimentée qui avait gravi le Mont Elbrus plusieurs fois avec succès. Elle avait été retrouvée morte au niveau de Pastukhov Rocks.

Comment tes proches réagissent à ta passion dangereuse ?

Mon mari me soutient toujours et me dit « Si c’est réellement ce que tu veux, fais-le. Je resterai avec les enfants. ». Et pour ma mère, je ne lui parle de mes ascensions seulement quand je suis rentrée. Je ne veux pas qu’elle se fasse du souci.

Tu n’es pas effrayée par le risque ? Tu dis toi-même que tu as une super famille.

Je pense que je ne prends que des risques mesurés. Je ne suis pas de celle qui gravissent les sommets à tout prix. J’ai un grand respect pour les montagnes, mais je suis aussi très stressée l’instant juste avant les ascensions. Par exemple, à Gokyo, dans l’Himalaya, à 4750 mètres d’altitude, j’ai décidé de ne pas gravir le Island Peak. J’étais trop faible, l’altitude avait raison de moi, j’avais du mal à respirer. Ça m’a effrayée, je ne me sentais vraiment pas prête. J’essaye d’être rationnelle sur ça. 

Combien de temps cela te prend-il pour préparer une expédition ?

C’est quelque chose de très individuel. Ça dépend des montagnes. J’aime célébrer la période de préparation. Deux ou trois mois, c’est le minimum. Je dois m’entrainer, me préparer mentalement, m’équiper, et me renseigner sur la montagne que je veux gravir.  C’est une vraie appropriation du sujet. C’est une étape très satisfaisante, qui m’apporte beaucoup de joie.

As-tu d’ores et déjà planifié une nouvelle expédition ?

Oh plus d’une ! Je veux gravir l’Aconcagua dans un premier temps. C’est le plus haut sommet des Andes avec une altitude d’environ 7000 mètres. Je peux le faire, mais cela nécessite de l’entrainement et une bonne préparation. J’ai également besoin d’un mois de congés en Janvier, ce qui peut s’avérer être encore plus difficile. J’aimerai aussi gravir le Denali (le sommet le plus haut d’Amérique du Nord – 6190 mètres) et le Kilimandjaro, le plus haut sommet d’Afrique. Je veux gravir ce dernier avec ma fille, mais pour l’instant elle n’a démontré aucun intérêt pour le sport. 

Comment combine-tu travail et passion ?

Avant, une expédition, c’était mes vacances. Maintenant, avec la vie de famille, ce n’est plus le cas.

Qu’est-ce que tu souhaites ? Qu’est-ce que les alpinistes ayant grimpé l’Himalaya souhaitent tous ?

Moi personnellement ? Je pense du temps et de l’argent pour accomplir de plus grandes choses dans le futur. Et des descentes rapides pour tous les alpinistes de l’Himalaya.